Tchad – Informations générales

(source: LegiGlobe)

Tchad
1 – Constitution et système institutionnel

La République du Tchad est dotée d’une Constitution votée par voie référendaire en 1996, qui a mis en place un régime semi-présidentiel. Cette Constitution a été réformée en 2005.
Le pouvoir exécutif est exercé par le Président de la République et par le Gouvernement.
Le Président de la République est élu au suffrage universel pour un mandat de cinq ans. Il dispose du pouvoir de dissoudre l’Assemblée nationale, de nommer le Premier ministre et de mettre fin à ses fonctions. En outre, le Président de la République est garant de l’indépendance de la magistrature (article 146).
Le Gouvernement. Le Premier Ministre dirige et coordonne l’action gouvernementale. Il exerce le pouvoir réglementaire et assure l’exécution des lois. Il est en outre responsable de l’exécution de la politique de défense nationale. Enfin, le Premier ministre doit présenter le programme de son Gouvernement à l’Assemblée nationale, il est responsable devant elle.
Le pouvoir législatif. Il est exercé par l’Assemblée nationale, qui est composée de députés élus au suffrage universel direct pour un mandat de 4 ans renouvelable. L’article 122 de la Constitution énumère les matières qui sont expressément de la compétence de l’Assemblée nationale. L’article 123 prévoit que toutes les autres matières (non expressément énumérées) sont de la compétence du pouvoir réglementaire.
Le pouvoir judiciaire. Il est indépendant du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif (article 142). Le Président de la République préside le Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Le ministre de la justice en est le 1er vice président de droit. Le président de la Cour suprême en est le 2nd vice président de droit. Le CSM propose la nomination et l’avancement des magistrats. Les magistrats sont nommés par le président de la république après avis conforme du CSM. La discipline et la reponsabilité des magistrats relèvent de la compétence du CSM. En matière de discipline la présidence du CSM est assurée par le président de la Cour suprême. Les magistrats sont inamovibles.
Tout récemment, par une décision du 9 mars 2013, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Loi fondamentale la loi constitutionnelle portant révision de la Constitution. Cette révision proposait notamment la possibilité pour le président de la république de participer aux activités d’un parti politique, la possibilité d’un débat sans vote entre le gouvernement et l’assemblée nationale pour l’envoi des troupes à l’étranger, la suppression de l’inamovibilité des juges, ainsi que la création d’une Cour des comptes.

2 – Système juridique

Le droit tchadien est d’inspiration romaine. En vertu de la Constiotuion les lois prévalent sur les coutumes. Cependant cette primauté est rarement respectée. A l’Est, les règles coutumières largement inspirées du droit islamique, sont appliquées pour nombre d’infractions et délits.
Les tchadiens font majoritairement appel aux coutumes pour trancher leurs différends. La codification n’étant pas encore achevée, l’application des coutumes exige le consentement des parties dans les affaires de famille et de successions.
Chaque communauté a ses coutumes et ses chefs traditionnels reconnus par la Constitution.
Dans la pratique, les justiciables ont tendance à faire appel dans le même contentieux à une juuxtaposition de droits de nature différente : laïc, religieux et coutumier.
En matière d’état civil, la réglementation existe (règles du code civil français de 1958 complétées par l’ordonnance tchadienne du 2 juin 1961), mais n’est pas bien appliquée.

3 – Organisation judiciaire

La Constitution du Tchad institue un seul ordre de juridiction. Il est constitué de la Cour suprême, de la Cour d’appel, des Tribunaux de première instance et de leurs sections, des Justices de paix, du Tribunal du travail et des Cours criminelles (article 142)

  •  Les Tribunaux de première instance sont juges de droit commun en matière civile et commerciale. Ils sont également juges correctionnels et de simple police.
  • Les Cours criminelles sont des juridictions non permanentes appelées à juger les crimes dont elles sont saisies conformément aux dispositions du Code de procédure pénale. Les Cours criminelles sont composées des magistrats de la Cour d’appel et de quatre assesseurs.
  • La Cour d’appel du Tchad est à la fois une juridiction de cassation et une juridiction d’appel. Elle est composée de cinq chambres : une chambre civile et coutumière, une chambre correctionnelle, une chambre d’accusation, une chambre sociale, et une chambre administrative et financière.
    C’est une juridiction collégiale composée de trois juges professionnels par chambre soit 15 juges. Son siège se situe à N’Djamena.
    En tant que juridiction de cassation, elle statue en dernier ressort.
  • La Cour suprême est la plus haute cour de l’Etat. Elle comprend une chambre judiciaire, une chambre administrative et une chambres des comptes (article 154 de la Constitution). La Cour suprême est composée de 16 membres dont un président et 15 conseillers. Elle statue sur les pourvois en cassation formés contre les décisions de la Cour d’appel.
    Elle est en outre compétente en premier et dernier ressort pour statuer sur les recours pour excès de pouvoir dirigés contre les décrets, arrêtés et autres actes.
  • La Haute Cour de justice est compétente pour juger le Président de la République, les membres du gouvernement et leurs complices en cas de haute trahison.

Le Conseil Constitutionnel est une création relativement récente dans l’histoire constitutionnelle tchadienne (1998). Le Conseil est composé de neuf membres dont 3 magistrats et 6 juristes de haut niveau (2 magistrats et 3 juristes désignés par le président de la république et 1 magistrat et 3 juristes désignés par le président de l’Assemblée nationale). Le mandat des membres est de 9 ans. Le Conseil est renouvellé par tiers tous les trois ans.
Le Conseil Constitutionnel est, aux termes de l’article 166 de la Constitution, « juge de la constitutionnalité des lois, des traités et des accords internationaux ». Il veille à la régularité des opérations de referendum et en proclame les résultats. En outre, il règle les conflits d’attribution entre les institutions de l’Etat.
Il peut être saisi par le Président de la République, le premier ministre, le président de l’assemblée nationale ou par 1/10eme des députés. Il peut également être saisi par les citoyens mais dans le cadre d’un contrôle a posteriori, par la voie de l’exception d’inconstitutionnalité.

4- Les magistrats et personnels judiciaires

L’Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature (ENAM) et plus particulièrement sa Division judiciaire, est chargée de former des Magistrats, des Greffiers et des Juges de Paix. Cette division devrait être prochainement réformée et passer sous la tutelle du ministère de la justice. La nouvelle école de formation des personnels judiciaires (ENFJ) permettra pour la première fois de puis de nombreuses années de former des promotions de magistrats. Une équipe de formateurs de haut niveau vient d’être constituée afin de renforcer la formation des magistrats.
Le nombre de magistrats est objectivement insuffisant pour 11.5 millions d’habitants, et ils sont inégalement répartis sur le territoire.
Les ressources humaines qualifiées sont rares. Ainsi, le Tchad n’a pas de service de conseil juridique gratuit, ce qui porte préjudice au droit à la juridiction de la majorité de la population. La même raison est alléguée pour expliquer qu’une personne puisse assurer la présidence et le parquet dans un même dossier, ce qui conduit à une violation des droits protégés énoncés à l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
L’opinion publique tchadienne a le sentiment que les juges ne sont pas indépendants du pouvoir exécutif. L’indépendance de la magistrature est mise à rude épreuve par les immixtions, intimidations, partialité, et menaces. Le manque d’indépendance se traduit notamment par le pouvoir de nomination exercé par le pouvoir exécutif. La sécurité des juges et des tribunaux est également une question sensible, suite notamment, à l’assassinat, le 5 octobre 2004, du substitut du procureur d’Abéché, Daynguirim Étienne, dans son bureau du palais de justice.

5 – Justice des mineurs

Certains mineurs sont détenus en maison d’arrêt alors que d’autres délinquants sont placés dans des maisons d’éducation spécialisée.
Le Gouvernement tchadien entend développer les centres d’accueil spécialisés afin de recourir davantage aux mesures de placement des jeunes délinquants dans ces centres de préférence à l’incarcération, conformément à l’esprit de la loi sur l’administration de la justice pour mineurs adoptée le 28 mai 1998.

6 – Système pénitentiaire

Selon Amnesty international, dans son rapport de 2012, la vie des prisonniers est mise en danger par des conditions de détention épouvantables (surpopulation, absence d’aération dans les cellules, insuffisance de nourriture). Entre 2011 et 2012, 9 prisonniers sont morts d’asphyxie, 5 de déshydradation et 7 autres ont été abbatus par des gardiens.
En 2012, le taux moyen d’oocupation carcérale était de 130%. Il n’existe pas de prisons réservées aux femmes. Une réforme législative de l’institution pénitentiaire est envisagée, mais elle se heurte à des difficultés d’ordre budgétaire.
Les magistrats déporent les évasions à répétition (une centaine recensées à Abéché en 2008). Les actes de corruption sont assez répandus au sein des établissements pénitentiaires.

7 – Appréciation sur la réalité de l’État de droit

Entre 2006 et 2009 le Tchad a connu plusieurs attaques rebelles en provenance du Soudan. Cependant, il bénéficie d’une situation plus apaisée depuis l’accord de paix signé avec ce pays en janvier 2010. Il existe encore des menaces sécuritaires en raison notamment de l’extension des trafics et du terrorisme au Sahel et la violence armée constitue encore un fléau. Ceci a pour conséquence que les populations considèrent que les armes sont indispensables pour assurer leur protection. La proximité de la frontière avec le Soudan favorise aussi la fuite des malfaiteurs après l’accomplissement de leur forfait en territoire tchadien.

La justice est dénoncée comme peu performante. De nombreuses arrestations sont réalisées en dehors de toute procédure légale, les plaintes ne sont pas déposées, de nombreux jugements ne sont pas appliqués. La sécurité des justiciables n’est pas assurée dans de bonnes conditions. Certains préfèrent ne pas déposer plainte par peur de représailles. Dans les juridictions, le manque de moyens humains et financiers est frappant. De nombreux magistrats arabophones ne maîtrisent pas le français, alors quer le droit tchadien est d’inspiration romaine et d’écriture française. Un plan ambiteux de modernisation de l’appareil judiciaire est en cours de réalisation. Des palais de justice et des centres pénitentiaires doivent être réhabilités ou construits ; un statut spécifique de gardien de prison est en cours d’élaboration (200 agents vont être recrutés sur concours) ; une harmonisation des règles coutumières sera réalisée dans le Code de la famille.

Les Etats généraux de la presse ont abouti au vote d’une loi le 18 août 2010 qui supprime les peines de prison pour les délits de presse.

Peine de mort : La Constitution du Tchad en son article 17 protège le droit à la vie mais ne traite pas de la peine de mort. La législation tchadienne prévoit la peine de mort dans son code pénal. Les dernières exécutions remontent à l’année 2003.